I GOT MY OWN BACK.
Elle était une énigme. Aux yeux du monde mais également des siens. La plus grande intrigue qui la hantait était une question bien bête, qu'elle ne prononçait nullement : comment était-elle vivante ? Aussi loin qu'elle se souvienne, elle n'avait jamais eu personne. Aucun entourage, aucune famille, aucun nom. Rien. Elle était comme tant de chats abandonnés dans un carton, comme ceux qu'elle aidait lorsqu'elle les voyait affamés, malgré sa propre faim. Elle avait pensé que sa solitude, cet abandon, était quelque chose de normal. Elle n'avait aucun repère sur ce qui était normal, n'y réfléchissait pas. Dans les rues sombres et malodorantes, elle se faufilait comme une ombre, parfois sous l'apparence d'une gamine maigre, d'autre fois sous celle d'un chaton noir. Elle demeurait craintive, ne se laissant approcher de personne. A ses yeux, tous les inconnus étaient une source de danger potentiel, un risque qu'elle n'était pas prête à courir. Seule sa survie et celle de ses petits protégés importait. Elle observait la société humaine cependant et, si elle était muette, elle comprenait de plus en plus leurs langages, leurs façons de faire. Plus encore, elle comprenait ce qui importait véritablement pour eux : l'argent. Elle l'entendait dans presque chacune de leurs conversations, sous un nom ou sous un autre. L'argent était primordial pour vivre, pour se nourrir alors, délaissant les déchets, elle commença à voler les portes-monnaies des passants pas assez attentif. Plusieurs fois, elle manqua de se faire attraper, mais parvenait toujours à trouver une cachette dans ses rues qu'elle connaissait sur le bout des doigts.
People call me Kat.
Follow me home if you dare to
I wouldn't know where to lead you
Should I take chances when no one took chances on me?
So I watch from the dark, wait for my life to start
With no beauty in my memory
All that I wanted was to be wanted
Too young to wander London streets, alone and haunted
Born into nothing
At least you have something, something to cling to
Visions of dazzling rooms I'll never get let into
And the memories were lost long ago
But at least you have beautiful ghosts
And so maybe my home isn't what I had known
What I thought it would be
But I feel so alive with these phantoms of night
And I know that this life isn't safe, but it's wild and it's free
All that I wanted was to be wanted
I'll never wander London streets, alone and haunted
Born into nothing
With them, I have something, something to cling to
I never knew I'd love this world they let me into
And the memories were lost long ago
So I'll dance with these beautiful ghosts
The memories were lost long ago
So I'll dance with these beautiful ghosts
Her life was cold and dark yet she was unafraid.
Elle avait trouvé refuge dans un immeuble abandonné. Le bâtiment, construit dans les années 50, n'était pas luxueux mais il avait le mérite d'être isolé de la pluie et du froid. Elle était même parvenue à rendre le tout relativement confortable. Elle qui s'était habituée à changer de cachette régulièrement avait baissé sa garde. Fatiguée de devoir recommencer tout à zéro, elle s'était décidée, sans vraiment sans rendre compte, sur cet endroit, cette parodie de foyer. Le seul qu'elle ait jamais connu. Elle s'y sentait en sécurité. Le bâtiment était verrouillé, à l'exception d'une petite ouverture, suffisamment grande pour que la maigre enfant s'y faufile sans grande difficulté, suivie par une myriade de chats. Elle y avait ses habitudes, loin du monde bruyant de ces humains qu'elle ne comprenait pas et qui l'effrayait. Personne ne savait qu'elle existait, elle était une ombre fugitive qui, aussitôt aperçue, était oubliée.
Du moins le pensait-elle.
Le soleil brillait depuis plusieurs heures déjà lorsqu'elle était entrée, épuisée d'une nuit de vagabondages et d'errance. Les muscles endoloris et l'esprit déjà endormie, elle s'était jetée sur le vieux matelas, à même le sol. Elle s'assoupit presque aussitôt, d'un sommeil trop profond. Elle n'avait pas fait aussi attention que les autres fois, certaine de son invisibilité dans ce monde étrange. Elle n'avait pas entendu les bruits de bas, ni même les véhicules, garés en dehors de son bâtiment. Et tandis que les chats sauvages, effrayés de ces bruits, se dissimulaient sous les meubles détruits et dans les ombres, elle continuait à somnoler avec une innocence enfantine. Ce ne fut que lorsqu'une porte, dans l'immeuble, fut défoncée, qu'elle se réveilla. Sursautant brusquement, l'esprit encore à moitié dans ses songes, elle cligna plusieurs fois des paupières, pensant avoir rêvé. Son espoir fut vite réduit à néant lorsque des bruits de pas, se dirigeant dans sa direction, se firent entendre.
Elle se dissimula avec une rapidité foudroyante alors qu'un homme donnait un violent coup de pied dans la porte qui protégeait son ultime cachette. Pétrifiée, elle osait à peine respirer. Elle vit l'homme jeter un regard circulaire, tout autour de lui, avant de lentement faire demi-tour. Soulagée, elle laissa échapper un petit soupir. L'homme s'immobilisa. Avant qu'elle ne puisse ne serait-ce que réagir ou même le voir, il l'avait sortit de sa cachette sans le moindre tact, la tirant par la peau du cou. Furieuse, elle se débattit, donnant des coups de pieds, des coups de poings, essayant de lui griffer le visage, de lui arracher les yeux de ses ongles. Tous ces efforts furent vaincs. Sans un mot, il la tira à sa suite, la sortant inexorablement du bâtiment.
