the Satrinavas
Les dragons volaient librement au-dessus des sombres tours de Draakden, capitale du royaume, siège des Rois Ancestraux. Les épaisses murailles de pierres noircies protégeaient l'intérieur de la ville immense, fourmillante de vie de ces milliers d'habitants. En haut de la colline d'Argent s'élevait les hautes tours de la citadelle royale, qui renfermait secrets et magie, protégé jalousement par les gardes et les dragons. La famille Satrinava régnait depuis plusieurs centaines d'années déjà, maintenant une autorité que peu osait discuter. Ils étaient craints et respectés par de-là tout le royaume et, si critiques il y avait, du moins personne n'osait les prononcer en leur présence. Ils étaient arrivés de l'Est, des terres de Zirnitra, les terres immortelles des dragons. Un nombre conséquent de légendes existait à propos de cet endroit, mais toutes s'accordaient sur un point : la magie y était extrêmement puissante. Elle y était sauvage, ancestrale et, surtout, incontrôlable. Cela s'appliquait également aux dragons des Satrinava. Un lien unique les unissait. Certains murmuraient que les Satrinava étaient, en vérité, des Avaràn, ces créatures admirées et méprisées, autrefois adorées en tant que divinités, dont la majorité, des bâtards dotés d'une puissance moindre, étaient désormais réduits en l'esclavage.
Le règne des Satrinava ne fut pas un règne de paix et d'harmonie, si une telle chose était possible. Ils eurent à mater plusieurs rebellions. Les Royaumes du Nord, en Ovrenem, tentèrent de récupérer leur indépendance si amèrement regrettée mais les loups ne furent pas de taille face au feu mortel des dragons. Un à un, les seigneurs ployèrent le genou tandis que leurs royaumes brûlaient encore. Ils avaient eu le choix : reconnaître la suprématie des Satrinava ou voir tandis que leurs dragons ravageaient tout ce qu'ils connaissaient. Il ne leur fallu guère longtemps pour prendre leur décision. Certains voulurent tout de même se battre, jusqu'à la mort, pour la liberté. Cependant, lorsqu'ils virent que les Satrinava, délaissant les soldats nordiens, s'en prenaient directement à la population innocente, il s'avéra rapidement que le choix n'en était pas véritablement un. L'amertume demeurait néanmoins dans leur coeur, ils rêvaient encore et toujours de temps anciens où ils étaient indépendants. Mais l'armée d'Ovrenem, si l'on pouvait l'appeler ainsi, n'avait eu, de toute manière, aucune chance. Ovrenem, découpés en royaumes grands et petits, ne pouvait faire face à l'organisation redoutable et au front uni que présentait l'armée Satrinava.
Ces derniers étaient organisés, disciplinés. Les soldats, loyaux et fidèles, engagés depuis parfois l'enfance, ne connaissait rien d'autre que le devoir. Menés par des chevaliers nobles de coeur ou de naissance, ils avaient la réputation d'être aussi imbattable que la redoutable Compagnie des Marqués, par-delà la Mer Argentée.
Les rumeurs, au fil des siècles, s'amplifiaient, en particulier au sein des grandes maisonnées, des seigneurs fortunés pour qui un changement de régime serait une occasion en or pour s'emparer, une fois pour toute, du pouvoir. Certains soupçonnaient les Satrinava d'avoir recours à la magie noire pour dompter leurs monstrueuses montures et pour inspirer la peur dans le coeur des hommes qui voudraient les défier. Les Satrinava ne paraissaient pas craindre les Dieux, anciens ou nouveaux. Ils respectaient les traditions religieuses. La Reine Sylvianna déclara ouvertement au Grand Prêtre d'Apollon que jamais elle n'avait vu un Dieu tuer un dragon et que ce jour-là ne viendrait jamais.
L'arrogance des Dragons n'était guère du goût de tous.
Les ennemis se profilaient à l'horizon, dissimulé derrière des sourires courtois et des révérences gracieuses. Le mécontentement s'exprimait par quelques révoltes paysannes, débutées sous les ordres de seigneurs qui, dès que le regard des Satrinava se posait sur eux, démentait toutes les accusations. Les paysans étaient massacrés, les seigneurs innocentés et tous s'en trouvaient bien malheureux.
Une forme de paix, cependant, s'était abattu sur l'ensemble du territoire. Des conflits perduraient, particulièrement entre quelques seigneurs, rivaux depuis des siècles déjà, qui trouvaient la moindre offense justifiable pour un acte de guerre. Il était cependant aisé de résoudre ces conflits qui, la plupart du temps, n'avaient pas de trop graves conséquences. En tant que souverains, les Rois et Reines Satrinava étaient juges dans ces affaires, les réglant avec plus ou moins d'impartialité. Chaque roi était différent. Certains se montraient justes, patients et étaient aimés de tous, tandis que d'autres paraissaient dévorés par la folie et un sadisme redoutable. La plupart, cependant, arboraient une apparence semblable : des cheveux d'un doré argenté, une peau pâle et des yeux violets. Leur visage avait la beauté des Anciens Elfes, disparus depuis l'Avènement des Dragons, des millénaires auparavant. Les suspicions de magie noire étaient pour le moins vraisemblable. Si tous n'usaient de ces pouvoirs pour le mal, du moins s'agissait-il d'un savoir ancestral, qui se passait de génération en génération. Tous, néanmoins, n'étaient en mesure d'user de ces capacités et, au fil du temps, ce savoir finit par disparaître. Oubliés, perdus dans des salles secrètes, enfermés et protégés, les manuscrits, que le temps avait rendu extrêmement fragiles, demeuraient, inutiles et inutilisés.
Rhaenys Satrinava
Quatrième enfant du Roi Jaerys et de la Reine Daena Satrinava, soeur jumelle de Rhaegar, sa naissance, ainsi que celle de son frère jumeau, faillirent coûter la vie à la Reine Daena. Fortement affaiblie par un douloureux accouchement, elle quitta la cour de Draakden, pour se réfugier dans le pacifique royaume du K'vetlinà, réputé pour sa quiétude et sa tranquillité, emmenant avec elle ses deux derniers enfants. C'est là que Rhaenys et Rhaegar grandirent, loin de la cour, du roi, et de leurs frère et soeurs. Inséparables, ils passaient leurs journées ensembles, émerveillant les nourrices et les gouverneurs, qui les trouvaient charmants. Des bruits, cependant, commencèrent à courir, durant la longue absence de Daena. D'aucuns pensaient que tout cela n'avait été qu'un stratagème pour s'éloigner de son époux le roi et rejoindre son amant, Sir Aeos Brayden, supposé père des jumeaux. La rumeur prit de plus en plus d'ampleur à Draakden, sans que jamais Daena en eu le moindre doute, toute entière à sa convalescence et au bonheur que ses enfants lui procurait. Le roi, néanmoins, n'était pas aussi indifférent. Si, au début, il avait ignoré les rumeurs qu'il décrivait lui-même comme ridicule, l'insistance avec laquelle elles se propageaient l'emplissait de doute. Des doutes extrêmement dangereux. Alors que cinq années s'étaient écoulée sans que la reine ne fut à Draakden, Jaerys ordonna son retour immédiat. C'était une commande sans appel et, bien que surprise, Daena le comprit parfaitement. Bien qu'à regret, elle savait parfaitement qu'elle n'avait pas le choix. Elle saisit ses deux enfants et enfourcha son grand dragon, Tierax, avant de s'élever dans les airs et de rejoindre son impatient époux. Les retrouvailles furent formelles, froides. Quant aux deux jumeaux, ce fut à peine si le roi les observa avant de les confier à la nourrice royale. L'ambiance, au sein du palais royal, était glaciale et nombreuses étaient les rumeurs qui, tels des poisons, se répandaient secrètement.
La froideur de Jaerys, cependant, ne dura guère longtemps. Homme au bon coeur, il finit par céder devant le charme de ses deux plus jeunes enfants et de son épouse qu'il considérait comme repentante. Rhaenys eu tôt fait de devenir la favorite du roi, sa protégée. Il empêchait les servantes et les gouverneurs de se montrer trop sévères avec elle, malgré le tempérament impétueux et sauvage de la jeune enfant. Aucun des deux n'avait été éduqué à la cour, n'en connaissait les codes et, plus encore, ils se montraient peu intéressés par cette idée. Mais toujours, Jaerys leur pardonnait leurs affronts, une douceur qu'il n'avait guère montré avec ses aînés, qui avaient été éduqués avec sévérité. Cette douceur fut néanmoins emportée par la vieillesse et la maladie mentale qui commençait à le ronger. Lentement, les doutes resurgirent, ces vieux doutes que tous pensaient oubliés depuis longtemps. Il se montrait erratique, passant de la gentillesse à la violence d'un moment à l'autre. Nul n'osait rien dire. Jaerys avait été, dans sa jeunesse, un grand roi, aussi respecté que craint. Imaginer le déposséder de son trône, un trône qu'il avait maintenu stable durant si longtemps, semblait impossible. Un déshonneur, pour quiconque s'y risquerait. Les Satrinava ainsi que les membres du gouvernement tentèrent de cacher la folie du roi, garder le tout privé, loin du regard du peuple et, surtout, des autres seigneurs. Durant un temps, cela fonctionna. Si des rumeurs sur la santé du roi commençaient à se répandre au sein de la cour, la reine parvint à apaiser les esprits, les rassurer que tout allait pour le mieux. La vérité était tout autre. Les décisions gouvernementales était désormais confiée à la reine, tandis que l'on distrayait le roi pour qu'il ne pose aucun problème. Tout, cependant, ne pouvait être contrôlé. Aussi, lorsque le roi ordonna l'exécution de la princesse Rhaenys et du prince Rhaegar, nul ne sut comment réagir. Pour sauver les enfants, ils furent tous deux envoyés en exil.